I. 背景导读
Qu’est-ce qui nous rend heureux ? Chaque jour, des témoins racontent au « Monde » un épisode de leur vie qui leur a apporté une joie intense. Aujourd’hui : Marion Blin, 64 ans, retraitée de l’Education nationale, installée à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique).
什么让我们感到幸福?《世界报》每天都会邀请人们分享一个带给他们强烈喜悦的生活片段。今天的讲述者是 Marion Blin,64 岁,法国国家教育体系退休人员,现居于卢瓦尔-大西洋省的圣纳泽尔。
II. 阅前思考
1.人与人之间的短暂相遇是否能带来深远的影响?
你是否曾经在旅途中或某个特殊场合,与陌生人建立过短暂但深刻的联系?这样的经历对你的思维方式或情感产生了什么影响?
2.为什么某些回忆会比现实中的长期关系更加纯粹和美好?
文章中的主人公认为,这段经历之所以美好,部分原因是它“没有过去,也没有未来”。你认同这样的观点吗?美好的记忆是否一定需要被保留,而不是延续?
3.在数字时代,我们是否已经失去了“未曾留下联系方式”的浪漫?
今天,如果遇到类似的情境,我们几乎都会交换社交媒体或电话号码,保持联系。这是否让我们失去了某种珍贵的、不可再现的回忆?还是说,现代科技让我们更容易维系人与人之间的情感?
词汇及表达 épisode (n. m.) • 含义:片段,插曲;(电视剧、小说等的)一集;(历史或人生中的)事件。 • 解释:该词源自希腊语 epeisodion,原指戏剧中的插曲,后来引申为生活中的特殊经历或历史事件。在现代法语中,它常用于描述电视剧或小说中的某一集,也可以指人生或历史长河中的一个重要阶段或片段。 • 例如: Cet épisode de ma vie restera à jamais gravé dans ma mémoire. (我人生的这一片段将永远铭刻在我的记忆中。)
Un moment de bonheur : « Dans un train de nuit, je parle avec un inconnu jusqu’à 3 heures du matin »
Qu’est-ce qui nous rend heureux ? Chaque jour, des témoins racontent au « Monde » un épisode de leur vie qui leur a apporté une joie intense. Aujourd’hui : Marion Blin, 64 ans, retraitée de l’Education nationale, installée à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique).
« J’entre dans le compartiment couchettes du train Nice-Paris, un soir de printemps 1987. Il fait beau. J’ai 27 ans et je suis relieure d’art, je rejoins la capitale pour y livrer une pièce que j’ai faite. Dans la cabine, nous sommes six : quatre grands-mères, qui doivent avoir l’âge que j’ai aujourd’hui, et un jeune homme d’une trentaine d’années.
Il est bel homme, fluet, sensible. Il paraît très gentil. J’ai oublié son prénom – renommons-le Pierre. Les quatre dames sont toutes veuves, amies de longue date. Elles ont décidé de profiter de leur vie, malgré le chagrin de leurs pertes respectives. Elles reviennent de vacances passées à l’hôtel, à manger au restaurant. Elles sont très drôles, elles rient beaucoup. Du haut de mes 27 ans, je me dis qu’en fait, quand on est vieux, on peut être gai.
Chacun choisit son lit. Il est déjà environ 22 heures et la lumière décline, la nuit tombe doucement. Pierre et moi décidons de sortir pour les laisser dormir. Le couloir du wagon n’est pas bien grand, mais nous nous accoudons à la fenêtre pour discuter, tout en fumant. Quand des voyageurs passent, on se fait le plus minces possible pour leur laisser de l’espace. Pierre me raconte qu’il est enseignant. Il donne des cours de français à des adolescents dans un lycée de Versailles et des cours de littérature comparée à la Sorbonne. Je devine qu’il a fait un parcours sans faute, du bac à l’université. Je lui raconte mes anciennes frasques de lycéenne rebelle et passionnée. Je l’amuse. Il parle avec douceur mais rit franchement, sans retenue. Entre nous, il n’y a pas de jeu de séduction, on est simplement complices.
La nuit est tombée, la circulation des voyageurs a presque cessé. Face à nous, il n’y a plus que le noir de la campagne que le train traverse bruyamment. Nous n’avons toujours pas sommeil. Nous parlons de nos vies. J’ai un quotidien heureux, un mari, deux enfants, j’en veux un troisième. Tout dans ma vie est installé, comme sur des rails. De son côté, il est amoureux d’une jeune femme avec laquelle il partage sa passion pour la littérature et le goût de la liberté. Il se questionne sur la possibilité de se marier, sur ses envies de paternité, il n’est sûr de rien. L’un comme l’autre, nous exprimons des difficultés professionnelles et les questions que nous nous posons pour la suite.
Découverte de la Sorbonne
Quand la fatigue nous surprend brutalement, il est 3 heures du matin. Nous rentrons nous coucher pour peu de temps. A 6 heures, nous arrivons gare de Lyon. Les dames du compartiment nous proposent de partager un petit déjeuner au Train bleu. C’est un réveil doux, qui nous emplit tous de bonheur, elles nous racontent des anecdotes sur leur voyage. Après notre café, nous nous séparons et nous embrassons chaleureusement. Pierre me propose alors de prolonger ce moment en m’invitant à le suivre à son travail.
Nous quittons la gare de Lyon, prenons le métro et terminons à pied. Le ciel est clair et lumineux, alors qu’il est encore très tôt. Je crois que je ne me suis jamais promenée seule avec un quasi-inconnu dans une telle insouciance. En nous approchant du Panthéon, Pierre m’explique l’importance de ce monument dont je ne connais que le nom.
Nous rejoignons ensuite la cour majestueuse de la Sorbonne. Je suis sous le charme des couleurs chaudes des boiseries, des grandes vitres sous les hauts plafonds, du grand amphithéâtre. Beaucoup de gens circulent déjà dans les couloirs, Pierre s’y déplace comme chez lui. Quelle chance de pouvoir découvrir ce lieu mythique avec un guide volubile et si attentif. A ce moment-là, je suis saisie par l’humanité de ce jeune homme mêlée à la beauté qui m’entoure dans ce lieu chargé d’histoire… La force de ce souvenir est là, dans ce mélange qui me met en état de grâce, dans cet instant volé à nos emplois du temps. Quand je regarde ma montre, il est l’heure de partir à mon rendez-vous.
« S’ouvrir aux moments »
Au moment de se dire au revoir, on a chacun une petite hésitation. Nous prenons conscience que nous n’allons pas nous revoir. Aujourd’hui, nous aurions échangé nos 06 ou nos Facebook ! Mais tout cela n’existe pas à l’époque. Alors je pars. Cinq minutes après l’avoir quitté, je trouve bête de ne pas avoir pris son adresse pour que l’on reste en contact. Et en même temps, qui sait si l’on aurait pu être amis ?
Finalement, c’est beau aussi quand ça reste comme ça : intouchable. Je n’ai eu le temps de lui trouver aucun défaut. C’était un moment magique. On n’a pas beaucoup d’instants comme celui-là. Souvent, nos souvenirs heureux impliquent des gens que l’on connaît, qui peuvent être associés à des ruptures, des décès… Là, c’est un souvenir entièrement bleu ciel, sans avant, sans après.
Cette rencontre m’a appris qu’il faut être ouvert aux moments qui s’invitent dans nos vies. En reprenant ce trajet, j’ai souvent repensé à lui, mais on ne s’est jamais recroisés. Dans ce train, je continue d’être à l’écoute, prête à entrer dans une conversation avec mon voisin. J’y fais toujours des rencontres. »
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